Fournisseurs d’énergie : le médiateur pointe du doigt de nombreuses pratiques

Autorité publique indépendante, le Médiateur national de l’énergie a pour missions de proposer des solutions amiables aux litiges avec les entreprises du secteur de l’énergie et d’informer les consommateurs d’énergie sur leurs droits. Tour d’horizon des pratiques relevées dans le rapport du Médiateur national de l’énergie sur 2023 et rappel des règles juridiques applicables.

* Renouvellement des contrats et hausse des prix

Notre position, à ADC France, est qu’un contrat renouvelé l’est nécessairement dans les conditions initiales et notamment aux mêmes conditions tarifaires (voir articles 1214 et 1215 du Code civil).

Telle n’est pas la position du Médiateur de l’énergie, qui enjoint cependant le professionnel à une information transparente et compréhensible des prix pour les consommateurs.

Le fournisseur doit ainsi mentionner clairement la hausse que représente le nouveau prix afin de permettre une comparaison sur le budget annuel et avec les autres offres existantes. Il doit également informer les clients des nouvelles mensualités correspondant aux nouveaux prix, afin que la portée de l’augmentation puisse être appréciée.

La palme de la mauvaise foi revient certainement à ENERGIES STRASBOURG qui a multiplié par 15 le prix de l’abonnement en gaz, de 15,25 à 241,35 euros HT/mois, sans réévaluer immédiatement le montant des mensualités en conséquence.

À noter : lorsque les fournisseurs ne sont pas en capacité d’apporter la preuve de l’envoi d’un courrier ou d’un courriel de renouvellement, le médiateur recommande systématiquement le maintien des prix antérieurs.

 * Offres « atypiques »

Le fournisseur EKWATEUR proposait des offres dont le prix du kWh variait chaque mois, ce qui s’est traduit par de fortes hausses fin 2022 et en 2023. Les consommateurs n’avaient pour la plupart aucune conscience d’avoir souscrit une offre à prix variable qui les exposait à de telles hausses. Ils n’avaient pas été informés que les prix étaient indiqués un mois avant leur application dans leur espace clientèle. Les conditions générales de vente d’EKWATEUR se contentaient de mentionner que les évolutions de prix ne feraient l’objet d’aucune notification !

Ici, le fournisseur a clairement manqué à son obligation légale d’information dont il est débiteur à l’égard de ses clients et futurs clients.

* Mensualités sous-estimées lors de la souscription

Facile de séduire un futur client en lui faisant miroiter de faibles mensualités !

Ainsi, des consommateurs résidant dans une maison de 90m2 dont le chauffage, la cuisson et l’eau chaude étaient assurés à l’électricité ont vu leur consommation estimée par le commercial d’ENI à 1 450 kWh. Les mensualités ont été fixées à 58 euros par ENI, un montant 4 fois inférieur à ce qu’il aurait dû être. Le solde de la facture de régularisation a atteint 1 500 euros TTC, un montant auquel ne s’attendait pas le consommateur dont les mensualités n’avaient pas été réévaluées en dépit de la

présence d’un compteur Linky. Le médiateur a recommandé un geste commercial de 150 euros TTC ainsi qu’un dédommagement correspondant à 50% de l’écart tarifaire.

* Délais de facturation

L’article L224-11 du Code de la consommation interdit de facturer les consommations de gaz ou d’électricité remontant à plus de 14 mois. De plus, il n’est pas possible d’émettre des factures plus de deux ans après la découverte d’un dysfonctionnement.

Le 22 décembre 2022, ENEDIS a ainsi procédé à un redressement de consommations pour la période du 13 août 2019 au 7 juillet 2020. Ce redressement ayant été facturé plus de deux ans après la découverte du dysfonctionnement, il n’était plus recouvrable au jour de l’émission de la facture litigieuse, en application de l’article L218-2 du Code de la consommation (prescription), ni même d’ailleurs en application de l’article L224-11 du même code. Le Médiateur a recommandé qu’ENEDIS et EDF prennent en charge l’annulation des consommations régularisées à hauteur de sa part de responsabilité. Il a également signalé le non-respect de l’article L224-11 du Code de la consommation à la direction départementale de protection des populations de Paris et des Hauts-de-Seine.

* Pratiques commerciales contestables

Certains fournisseurs continuent d’avoir recours à des pratiques commerciales contestables, qui génèrent des contestations de souscription.

Par exemple, le fournisseur OHM ÉNERGIE, qui s’était révélé incapable de produire un contrat signé par une consommatrice démarchée par son prestataire KOMPAR, a finalement accepté d’annuler le contrat et de lui rembourser 6 400 euros.

Le fournisseur WEKIWI a été mis en cause dans plusieurs litiges de démarchages, notamment par le biais de sociétés telles que KOMPAR ou DEPANN, pour lesquels il a accepté d’annuler le contrat litigieux.

Le médiateur cite également les fournisseurs ENI, OHM ÉNERGIE et ENGIE, dont les commerciaux ont délibérément sous-évalué les mensualités de leurs clients lors de la souscription, alors que les prix étaient élevés.

* Copropriétés

Les hausses de prix ont parfois été répercutées par les fournisseurs de gaz alors que les contrats avaient été conclus à prix fixe, ce qui interdisait de les faire évoluer pendant la période d’engagement. Ces modifications de prix illégales ont pris différentes formes :

– compléments de prix non prévus facturés par ANTARGAZ sous la forme d’une « contribution au service prix fixe » ou d’un « complément de prix lié au dépassement de la consommation annuelle de référence »

– « compensation sport hiver » par GAZ EUROPEEN

– résiliation par anticipation des contrats avant la fin de la période d’engagement par GAZ & SOLUTIONS en prétextant un cas de force majeure. Le Médiateur national de l’énergie a rappelé que les circonstances économiques défavorables ne pouvaient en aucun cas constituer un cas de force majeure.

* Compteur Linky

ENEDIS a exigé la pose d’un compteur Linky préalablement à des mises en service. Or cette pose ne peut en aucun cas constituer une condition à la mise en service dès lors qu’il n’existe pas de raison technique de changer le compteur existant.

Dans ces situations, le médiateur national de l’énergie a systématiquement recommandé aux opérateurs responsables de la consommation sans fournisseur de prendre en charge le montant en écart avec ce qui aurait été facturé par le fournisseur, si la mise en service avait été faite à la date souhaitée par le consommateur.

* Ventes suspectes

Le fournisseur OHM ÉNERGIE, qui s’était révélé incapable de produire un contrat signé par une consommatrice démarchée par son prestataire KOMPAR, a finalement accepté d’annuler les contrats et de lui rembourser 6 400 euros.

* Hausse du nombre de dossiers instruits après la saisine d’un médiateur d’entreprise

Comme vu en introduction, le Médiateur national de l’énergie (MNE) est une autorité publique indépendante. Il existe cependant, à côté de cette entité, des médiateurs d’entreprise que les particuliers peuvent également saisir lorsque leurs réclamations auprès des services clients n’ont pas abouti. Mais il arrive que des consommateurs, en désaccord avec la solution proposée par ces médiateurs, décident de saisir le MNE.

Les écarts d’analyse entre les médiateurs d’entreprise et le médiateur national de l’énergie représentent 39% des cas après une médiation du groupe EDF et 57 % après une médiation du groupe ENGIE.

Ces écarts s’expliquent par :

  • Des manquements des fournisseurs à leur obligation d’information « transparente et compréhensible » au début de la crise de hausse des prix
  • Une mauvaise voire une non-application de l’article L224-11 du Code de la consommation – qui interdit de facturer les consommations d’énergie de plus de 14 mois
  • Des positions plus exigeantes du MNE sur certains sujets tels que la sous-évaluation des mensualités, l’obligation d’adaptation systématique des options tarifaires, l’appréciation des désagréments justifiant un dédommagement

Lorsque les recommandations du MNE sont plus favorables pour le consommateur, le gain pour le consommateur a représenté près d’une fois et demie le montant recommandé par le médiateur du groupe EDF et il a été plus de deux fois supérieur aux montants recommandés par le médiateur du groupe ENGIE.

La saisine de ces médiateurs d’entreprise n’est pas obligatoire. En cas de litige non résolu, notre association peut intervenir à vos côtés. Et le Médiateur national de l’énergie peut être saisi en dehors de toute saisine des médiateurs des entreprises.

* Mauvaises pratiques en médiation

Le MNE relève des dysfonctionnements entravant un fonctionnement efficient de la médiation et ralentissant la résolution des litiges :

  • Observations incomplètes ou incohérentes par ENEDIS, GRDF, propositions de solutions non chiffrées par ENGIE et TOTALENERGIES, échanges laborieux avec WEKIWI, obligeant à procéder à de nombreuses relances.
  • Délais de réponse aux demandes d’observations non respectés : 90 jours pour SOWEE au lieu des 3 semaines maximum imparties.
  • Relances en paiement maintenues pendant la médiation. Ainsi, une consommatrice a fait l’objet de deux tentatives de saisies sur son compte bancaire par une étude d’huissier mandatée par TOTALENERGIES alors que la médiation était en cours d’instruction.
  • Mauvaises pratiques d’ENEDIS qui refuse de déduire les dédommagements de ses factures et attend le règlement complet de la facture par le consommateur avant de percevoir le dédommagement / ne respecte pas les engagements pris en médiation / produit des observations trop lacunaires

 

À noter  : le lien ci-après (https://comparateur.energie-info.fr) permet de comparer les offres d’électricité et de gaz naturel. Dans son simulateur, le Médiateur national de l’énergie a ajouté un nouvel indicateur de la qualité de service des fournisseurs. Il s’agit du taux de saisines par fournisseur (basé sur le nombre de saisines du médiateur national de l’énergie, rapporté à 100 000 contrats de fourniture de gaz ou d’électricité) afin d’aider les consommateurs dans le choix de leur fournisseur d’énergie.

Notre conseil en cas de litige est de ne pas payer une somme contestée et de changer rapidement de fournisseur.

Enfin, notre association est compétente pour vous aider dans ce type de dossiers. Pour toute information, vous pouvez nous joindre au 03.62.02.11.15 ou par mail à contact@adcfrance.fr.

 Source : https://www.energie-mediateur.fr/rapport-annuel-2023-du-mediateur-national-de-lenergie-la-protection-des-consommateurs-denergie-doit-etre-encore-renforcee/

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