La fin d’une ère

L’ACTION TEG des prêts immobiliers : la fin d’une ère

Depuis novembre 2011, notre association mène une action portant sur le taux effectif global des prêts immobiliers. Celle-ci a connu un engouement important et nous a permis d’informer un grand nombre de consommateurs sur ce critère essentiel de choix d’un prêt immobilier. Cependant, en raison de la loi nommée « pour un État au service d’une société de confiance » en date du 10 août 2018, cette action est, à notre grand regret, vouée à une disparition inéluctable.

Dans cet article, nous procéderons dans un premier temps à une présentation générale de l’historique de notre action TEG* (I) avant d’effectuer, dans un second temps, une analyse détaillée des raisons de sa disparition prochaine et des conséquences que cela entraine vis-à-vis du consommateur. (II)

I) Présentation générale de l’historique de notre action TEG

La notion de taux effectif global a été créée par une loi du 28 décembre 1966.

S’agissant de celle-ci, les magistrats avaient une tendance marquée à l’appliquer de manière stricte et une simple erreur ou omission sur les frais à inclure au TEG* par l’établissement de crédit suffisait pour qu’il soit sanctionné. Ce faisant, la jurisprudence était alors largement favorable au consommateur. De plus, comme il se trouvait justement que la majorité des établissements bancaires présentaient des TEG erronés, cela signifiait qu’il était possible d’agir sur un nouveau terrain afin de donner davantage de protection au consommateur via l’intervention de notre association.
C’est pourquoi l’action TEG a été lancée en novembre 2011. Nous avons d’ailleurs joué un rôle de précurseur en la matière, comme en témoigne le nombre important de cabinets d’expertise qui ont par la suite jeté leur dévolu sur le sujet.

Notre action avait principalement trois ambitions :

  • Il s’agissait, en premier lieu, d’octroyer au consommateur les moyens nécessaires afin de savoir si le TEG indiqué dans son contrat de prêt immobilier était exact. Une telle vérification était proposée avant-même la conclusion définitive du contrat, lui permettant alors de comparer au mieux les différentes offres de prêt qui s’offraient à lui.
  • En second lieu, en cas de TEG erroné, nos adhérents avaient la possibilité d’engager sous notre égide une procédure amiable auprès de l’organisme prêteur concerné, dans la perspective de faire appliquer la loi, c’est-à-dire le cas échéant, d’opérer une substitution du taux conventionnel par le taux légal ce qui était très avantageux pour le consommateur.
  • Enfin, cette action TEG avait pour objectif d’informer celui-ci sur
les dernières actualités et de lui prodiguer des conseils en la matière dans le but de lui assurer une protection de qualité.

Pour ce faire, notre association a mis en œuvre différents moyens.

On peut noter, en effet, la constitution d’un pôle d’étude destiné à rendre effective cette action et composé d’une part, d’une salariée spécialiste en TEG et d’autre part, de juristes bénévoles, formés par celle-ci chaque année (5 à 10 juristes par an).
Par ailleurs, afin de garantir une information la plus complète possible, deux sites internet ont été mis en place au fil du temps : un premier en 2011 (www.adc54.biz), remplacé par un second en 2015 (www.adc54teg.biz).

Si l’on se penche sur le résultat global de cette action TEG, force est de constater qu’elle a été accueillie avec enthousiasme dans le sens où un nombre considérable de consommateurs nous ont contactés et ont pu connaitre avec exactitude leur situation, et ce , dans un domaine marqué par une volonté certaine des établissements de crédit de masquer la réalité du coût des crédits.

À ce titre, il suffit de porter un regard sur les statistiques pour s’en apercevoir. En l’occurrence, de 2012 à 2015, en moyenne, plus de cent dossiers par an ont été examinés. Toutefois, la position des juges s’est montrée de moins en moins favorable aux consommateurs, avec notamment le retrait de l’assurance incendie dans les frais devant être inclus au TEG, une interprétation limitative du point de départ de la prescription, causant des revirements de jurisprudence dans des dossiers en cours.

À cet égard, on peut citer une décision qui traduit de manière remarquable cette mouvance générale : Chambre commerciale, 18 mai 2017. Dans cet arrêt, il a été jugé que la sanction relative au TEG erroné ne s’appliquait pas en présence d’une erreur inférieure à une décimale. Or, aucune disposition de la loi du 28 décembre 1966 ne permettait une telle solution. Il s’agit là d’un détournement par la Cour de cassation de l’article R313-1II du Code de la consommation dans sa version abrogée au 1er juillet 2016 !

Au niveau de la législation, si certaines réformes ont eu un impact sur le droit du TEG, elles ont été d’une incidence mineure. Certes, on peut évidemment mettre en exergue le remplacement du TEG par le TAEG** au 1er octobre 2016 mais en réalité, ce ne sont guère que les modalités de calcul qui ont été modifiées.

Néanmoins, dernièrement, la loi nommée « pour un État au service d’une société de confiance » est venue mettre en place un compte à rebours concernant la durée de vie restante à notre action TEG et c’est ce que nous allons voir dès à présent.

II) La disparition programmée de l’action TEG

À noter tout d’abord que cette loi nommée « pour un État au service d’une société de confiance »  et qui a été adoptée le 10 août 2018, est une réforme qui a fait l’objet de divergences apparentes au sein du Parlement. Celle-ci a pour objectif initial d’enclencher une dynamique de transformation de l’action publique en renforçant le cadre d’une relation de confiance entre public et administration.  Si l’on s’arrête à ce postulat, elle ne devrait en principe pas concerner le droit de la consommation et a fortiori le TEG. Cependant, au regard de ses dispositions, tout porte à croire le contraire. En effet, eu égard à l’article 55 de ladite loi, la sanction prévue concernant les erreurs commises par les établissements de crédit sur le calcul du TEG/TAEG est remise en cause.

Actuellement, celle-ci se traduit par une déchéance des intérêts pour ces derniers et par une substitution du taux légal au taux conventionnellement prévu. Ainsi, un prêt de 2010 conclu avec un taux d’intérêt de 2,50% pouvait se voir substituer un taux de 0,65%. Néanmoins, le législateur a jugé, au travers de cette loi, que cette sanction pouvait présenter  un caractère disproportionné et par conséquent, qu’il était nécessaire de la remplacer par une sanction plus mesurée et appropriée.

Il souhaite ainsi procéder à une rationalisation de la norme en vigueur. Et c’est pourquoi, conformément à l’article 38 de la constitution, il donne au gouvernement un délai de 12 mois pour prendre des mesures visant à modifier le code de la consommation en ce qui concerne notamment cette partie.

Si l’on procède à une analyse approfondie de ces dispositions, on peut en tirer plusieurs conclusions.

Tout d’abord, à propos de l’impact produit sur les consommateurs, cela ne remet pas en cause la demande de crédit des ménages ni les conditions d’octroi de ceux-ci mais seulement la proportionnalité de la sanction prévue. Ensuite, nous ne sommes pas en mesure de déterminer à l’heure qu’il est, la sanction qui va être effectivement appliquée. Pour ce faire, il faudra attendre la réponse du gouvernement à ce sujet.

Cependant, a priori, il sera difficile de jouer sur le terrain de l’erreur du TEG/TAEG puisque nous ne serons plus face à une sanction dotée d’un caractère régulier et dissuasif. Celle-ci sera relative au préjudice subi, or ce préjudice devra certainement être démontré par la présentation d’offres de prêts concurrentes, et si l’on considère par hypothèse ce préjudice comme étant le fait de ne pas avoir eu une représentation exacte du coût réel du crédit, elle sera vraisemblablement indemnisée comme une perte de chance, nettement moins avantageuse pour l’emprunteur.

Ce qui implique deux conséquences notables :

  • La première est que nous vous conseillons désormais de passer par une renégociation de votre prêt, ce qui sera plus efficace vous concernant. Nous pouvons sur ce point vous aider à comparer deux offres de prêt concurrentes.
  • La deuxième est que cela signe en principe la disparition programmée de notre action TEG, surtout s’agissant des procédures amiables que nous engageons auprès des établissements de crédit.

Ainsi, bien que cette action TEG fût une formidable aventure et qu’elle ait été l’une des fiertés de notre association, celle-ci est vouée à disparaitre à notre plus grand regret. Nous tenons à cet égard, à critiquer avec fermeté la position prise par le gouvernement  qui s’oppose à l’essence-même du droit de la consommation. En effet, par ces dispositions, une réduction du champ de protection entourant le consommateur a été opérée.

Par conséquent, nous ne pouvons qu’être indignés par cette faveur accordée aux établissements bancaires puisqu’il s’agit  là d’une atteinte grave portée aux droits des consommateurs.

* TEG => Taux Effectif Global

** TAEG => Taux Annuel Effectif Global

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